Billets qui ont 'Moreau, Gustave' comme nom propre.

Château du Bosc

Les Demeures de l'esprit - Sud-ouest veulent que le père de Toulouse-Lautrec est été légèrement dérangé, tant son obsession pour la chasse était forte, mais ce n'est pas ainsi qu'on le présente au château: tout juste excentrique, et l'on peut lire sur les mur de la nurserie transformée en musée intime la lettre émue et triste qu'il envoya à sa femme le jour de la mort de son fils.

La jeune guide (1er août: nous sommes ses premiers visiteurs) insiste pour que nous oublions trois légendes: que le père aurait renié son fils, que les chutes d'Henri auraient été une chute de cheval et une chute dans l'escalier: non, non, des chutes bien plus banales, mais les os étaient fragiles (une maladie inconnue alors?).
Je contemple l'arbre généalogique légitimiste, la photo dédicacée d'un prince de la maison d'Espagne (j'ai oublié son nom). Sur le piano, une coupure de journal datant d'août 1983 invite les personnes présentes en Autriche à assister à une cérémonie à la mémoire du comte de Chambord, mort il y a cent ans.

Je n'ai pas compris l'explication concernant la chapelle: une lettre de Clément IX permettrait de célébrer la messe en absence de prêtre (en présence de la relique de la chapelle? ou en présence de la lettre?). Mais que veut dire ici "célébrer la messe"? Pas consacrer les hosties tout de même? Autoriser un laïc à lire le rite? C'était impossible au XVIIe siècle, il y fallait une autorisation expresse du pape? Aujourd'hui, c'est devenu si courant, tant de messes reculées sont dites ainsi, et d'enterrements sans prêtre…

L'ensemble du cadre est magnifique: extérieur du château (les volets rouges), jardin, prairies, vals et forêts. Il vient des envies d'aristocratie, on aimerait vivre là. Ce doit être austère l'hiver. A qui appartient le château, son avenir est-il assuré?


En chemin, nous nous arrêtâmes à Decazeville pour voir le chemin de croix peint par Gustave Moreau (vieux souvenir de Journal d'un voyage en France?) L'église a été construite entre le XIX et le XXe siècle. Le descriptif à l'entrée détaille le mètre carré de carrelage et le coût des boiseries au centime près. Etrange comptabilité d'apothicaire en ce lieu.
Les tableaux sont là, accolés, éclairés, mais je n'ai vu nulle part mention du peintre, et nulle carte postale.

Huysmans et Gustave Moreau

Il y a longtemps que j'aurais dû visiter le musée Gustave Moreau. C'est en effet l'un des premiers peintres qui m'ait marquée quand j'étais au lycée et que je m'ennuyais : Salomé illustrait mon livre de français de seconde.
J'ai travaillé trois ans à deux pas de ce musée, mais a-t-on idée d'être un musée qui ferme entre midi et deux ?

Cette fois-ci j'avais une motivation supplémentaire, une exposition mettant en évidence les relations entre Huysmans et Gustave Moreau, et peut-être une deuxième motivation, un attachement à ce blog.

Le musée Gustave Moreau est ce que j'aime, davantage une demeure particulière (comme celui de Delacroix) qu'un vaste établissement impersonnel.
Evidemment, cela suppose que le public l'ignore, car il ne pourrait accueillir grande quantité de visiteurs à la fois.
Il y fait trop chaud (c'est étonnant).
Le premier étage est charmant, les pièces minuscules, gonflées de meubles et de tableaux qu'on peut à peine voir, retenus que nous sommes par une rambarde qui nous empêche d'approcher et de piétiner les tapis et casser la porcelaine. Tout cela est très chargé, c'est tout de même étrange d'avoir constitué son propre musée de son vivant. On pourrait vivre ici en enlevant quelques meubles et en ouvrant les fenêtres, Dieu qu'il fait chaud.

Au deuxième étage se tient l'exposition, qui n'est qu'un prétexte pour visiter le musée: quelques pièces rassemblées là, le manuscrit d' À rebours, très raturé dans un gros livre relié, des lettres autographes (très belle écriture de Jean Lorrain), des extraits des critiques de Huysmans. Les ébauches et dessins préparatoires pour l'illustration des Fables de La Fontaine sont exposés, c'est inattendu et me plaît beaucoup: simplicité et précision du dessin, grande décision dans la couleur et dans le trait. C'est finalement ce qui me frappe dans les tableaux de Gustave Moreau: la décision, cette décision qui contraste si fort avec le déferlement des couleurs et des ors, avec l'atmosphère onirique et fantastique. Rien n'est flou dans ce monde vaporeux ou rêvé.

Deux étages, quelques toiles immenses, tout le temps que l'on veut pour rester devant les toiles, peu de monde, la certitude qu'ici on a une chance de voir tout ce qui est exposé (deux pièces, ce n'est pas si grand), même si bien sûr au bout d'une dizaine de tableaux il vaut mieux arrêter et se dire qu'on reviendra.
Le même titre sert à trois ou quatre toiles, on ne sait plus bien laquelle est l'ébauche de laquelle, j'aime beaucoup une Marie-Madeleine assise au pied du calvaire, les jambes tendues, dans une position inconfortable et laide laissant transparaître le désespoir. Je découvre les talents de copiste de Gustave Moreau qui paraît avoir copié les artistes les plus divers, au dernier étage se trouve une copie du Saint Georges de Carpaccio qui me paraît plus claire que l'original.

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